Entretien avec Monsieur Raymond ABONGO, Docteur en Sciences Politiques et Administratives, Directeur des Douanes, Membre de l’Association Internationale des Douaniers Francophones (AIDF) / République démocratique du Congo
Propos recueillis par Monsieur Ghenadie RADU, Docteur en droit, Altaprisma (formations douane et commerce international), Membre bienfaiteur de l’AIDF
Paris, le 15 juillet 2024
Altaprisma : Merci d’avoir trouvé le temps de nous accorder cet entretien. Pourriez-vous vous présenter brièvement, s’il vous plaît ?
Dr. Raymond ABONGO : Licencié en Droit, diplômé de l’Ecole Nationale des Finances, Docteur en Sciences Politiques et Administratives, je suis actuellement Directeur des Douanes congolaises et Professeur Ordinaire à l’Université de Lubumbashi.
Altaprisma : La taxation douanière est l’un des piliers de l’activité douanière. De quoi s’agit-il exactement lorsqu’il est question de ladite taxation ?
Dr. Raymond ABONGO : Il faudrait d’abord retenir l’idée que l’impôt douanier relève de la catégorie de ceux dits « indirects », c’est-à-dire ceux dont le poids de la charge fiscale est supporté par le contribuable de fait, et non par le contribuable de droit (le redevable). Ainsi, parler de la « taxation douanière » renvoie à deux concepts (action de taxer en douane d’un côté, et le résultat de cette action, de l’autre coté). La taxation douanière représente l’ensemble des droits, taxes et redevances, organisés par la loi fiscale douanière, perçus à l’occasion de l’importation, de l’exportation et de la production et/ou cession d’un certain nombre des biens, limitativement déterminés par la loi. Il s’agit, précisément, des droits d’entrée et de sortie, des droits d’accises, des droits de consommation, de la TVA à l’importation, y compris les redevances, taxes et frais quelconques, perçus, cumulativement, en même temps que les droits de douane.
De façon générale, la taxation douanière est ad valorem, c’est-à-dire exprimée en un pourcentage de la valeur des marchandises en douane, hormis quelques rares cas qui font l’objet de la taxation spécifique qui se base sur certaines caractéristiques physiques des marchandises, pour déterminer les droits à payer (ex. 100 $ par tonne).
Pour qu’une taxation douanière puisse se mettre en place, il existe des préalables. Elle ne peut avoir lieu que lorsqu’il y a eu une transaction ou cession en amont. Cela peut être une vente, un achat, une donation, un prêt ou une location de marchandises. C’est là qu’intervient les notions de matière imposable, de base imposable, d’origine et du fait générateur de la taxation douanière.
Altaprisma : La perception des droits de douane repose sur trois éléments fondamentaux de la matière douanière, à savoir, le classement tarifaire des marchandises, la valeur des marchandises en douane et l’origine des marchandises. Pourriez-vous nous expliquer comment chacun de ces trois éléments impacte le montant des droits de douane à payer ?
Dr. Raymond ABONGO : La taxation consiste en une succession d’actions à mener, en vue d’assurer la prise en recette des montants des droits et des taxes douanières. Pour y parvenir, il faudrait d’abord connaître, non seulement, la nature de la marchandise, mais aussi sa valeur, ainsi que le taux d’imposition correspondant à son classement tarifaire, car à chaque marchandise correspond une taxation douanière, une valeur et un taux tarifaire.
Dans le cadre de la technique de l’impôt, qui est définit comme étant l’ensemble d’actions (détermination de la matière imposable ; évaluation ; liquidation et la perception ou le recouvrement), par lesquelles l’impôt est établi et perçu, il existe plusieurs opérations que nous pouvons catégoriser en deux. Il s’agit de celles dites « préalables au dédouanement » ainsi que des « opérations de dédouanement proprement dites ». Ces dernières commencent, dès le franchissement de la frontière douanière du pays d’importation et sont liées aux opérations préalables, qui les conditionnent, les déterminent et les orientent, de telle sorte que si celles-ci n’ont pas eu lieu, les opérations de dédouanement seront inopérantes. Il s’agit des opérations de cession, vente, achat, don, prêt, location, etc., susceptibles d’enclencher une exportation vers un pays d’importation.
Il faut noter que toute marchandise achetée dans un pays A, et destinée à être importée dans un pays B, reste libre de mouvement, en termes d’obligations douanières, aussi longtemps qu’elle n’a pas encore franchi les frontières du pays présumé importateur (pays B). C’est là que s’établit le lien entre le coût, l’origine, le fret et l’assurance.
Les droits de douanes jouent plusieurs rôles, notamment le rôle financier, le rôle économique et le rôle social. Le rôle financier est considéré comme le rôle originel des droits de douane.
1° Comment le classement tarifaire impacte le montant des droits de douane ?
a) En fonction du classement tarifaire (code SH) les taux des droits de douane diffèrent. Certains produits pourraient être classés dans une position tarifaire la plus avantageuse sur le plan douanier, par rapport à une autre, histoire de payer moins de droits de douane. Il s’agit donc ici des situations lorsque le même produit pourrait être classé dans deux positions tarifaires concurrentes.
b) Les accords de libre-échange permettent de taxer à zéro, ou à des taux très réduits. Par conséquent, une marchandise similaire (même code SH) sera taxée différemment en fonction de son pays d’origine (origine préférentielle ou non-préférentielle).
2° Comment l’origine des marchandises impacte le montant des droits de douane ? Ce montant varie en fonction de l’origine préférentielle ou non préférentielle par rapport au pays d’importation. Lorsque le pays fait partie de l’OMC, une taxation se basant sur le dispositif de la nation la plus favorisée doit s’appliquer.
3° Comment la valeur des marchandises en douane impacte le montant des droits de douane ? Pour aller à l’essentiel, plus la valeur des marchandises en douane est élevée, plus le montant des droits de douane perçu par les Douanes sera important. Sans surprise, les opérateurs économiques cherchent, quand cela est possible, à déclarer la valeur des marchandises en douane la moins élevée possible. C’est bien compréhensible. Les Douanes, quant à elles, veillent, scrupuleusement, à ce que la valeur déclarée corresponde à la réalité et ne soit pas minorée par une quelconque manœuvre, de la part de l’opérateur économique.
Altaprisma : Qu’en est-il de la TVA à l’importation, droits d’accises et autres taxes perçues par l’Administration des douanes ?
Dr. Raymond ABONGO : De façon générale, les différents droits perçus par les Douanes à l’importation, dans la quasi-totalité des Etats du monde, sont : les droits d’entrée, la TVA et les droits d’accises concernant les produits importés.
° DROITS D’ENTREE : Ces droits sont des prélèvements opérés, sauf en cas d’exemption ou d’exonération, sur toute marchandise importée, contrairement à la TVA et aux droits de consommation, qui sont appelés à se relayer entre eux, sans se cumuler. La base de calcul de ces droits d’entrée est la valeur transactionnelle, et comme tous les autres impôts, leurs taux ne se présument pas ; ils sont, initialement, prédéterminés par la loi tarifaire et correspondent, spécifiquement, à chaque espèce tarifaire.
° TVA : « TVA » est un sigle qui signifie Taxe sur la Valeur Ajoutée. On pourrait être tenté de croire qu’il s’agit d’une taxe, du fait de sa dénomination, or, il s’agit bien d’un impôt indirect, assis sur l’importation, la consommation, la production et la prestation des services.
La TVA est donc un impôt indirect ou de consommation, à taux unique, assorti du caractère remboursable ; elle est déductible. La TVA frappe, non seulement, les marchandises produites sur place, destinées à être consommées dans le territoire national, mais aussi tous les services fournis sur le territoire national. Elle est comptée parmi les impôts les plus rentables, du fait de l’étendue et de la diversité de ses matières imposables, ainsi que de son taux unique, à pression fiscale parfois très élevée. La TVA est remboursable, car, il s’agit d’un impôt de consommation, c’est-à-dire que son effectivité n’est constatée que lorsque la matière imposée a été, réellement, consommée dans le territoire étatique où elle a été taxée.
° DROITS D’ACCISES : Ces droits sont une autre catégorie d’impôts indirects ou de consommation, qui pèse sur l’emploi ou l’usage fait du revenu ou du capital. A l’importation, ils frappent un certain nombre des marchandises, limitativement, fixées par la loi, à l’occasion de leur importation. Voici, à titre d’exemple, quelques marchandises soumises aux droits d’accises à l’importation. Il s’agit, entre autres, des alcools et boissons alcooliques ou non, y compris des eaux minérales, des parfums liquides et alcooliques, des huiles minérales, des articles et ouvrages en matières plastiques, du tabac fabriqué, etc.
Le mot de la fin
Dr. Raymond ABONGO : Bien que la matière portant sur la taxation douanière soit particulièrement complexe, s’intéresser à celle-ci est très important pour les finances publiques, du fait que la taxation douanière est l’une des ressources principales des Etats.
Altaprisma : Nous vous remercions pour vos éclairages.
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