La Taxe Intérieure sur la Consommation des Produits Énergétiques (TICPE) : bilan et perspectives d'avenir

 

Entretien avec Monsieur Cyril Bray

 

Propos recueillis par Monsieur Ghenadie Radu, Dr. en droit, Altaprisma

(formations douane, transport & logistique à l'international) 

 

Paris, le 15 avril 2015

 

 

 

Altaprisma : Pourriez-vous vous présenter brièvement, s’il vous plaît ?

 

C. Bray : Je suis actuellement Responsable Fiscal et Douane France/Belgique/Luxembourg pour le groupe European Forecourt Retail (EFR). J’ai exercé auparavant au sein du Groupe Shell pour la France et ensuite auprès du Groupe Air France, en qualité de Responsable de la fiscalité indirecte (TVA et douane).

 

 

Altaprisma : Comme son nom l’indique, la Taxe Intérieure sur la Consommation des Produits Energétiques (TICPE, ex TIPP) se propose comme objectif de taxer les produits en question. On comprend facilement que la mise en place d’une telle taxe augmente pour beaucoup les recettes fiscales (environ 24,5 milliards d’euro au titre de l’année 2014). Pourriez-vous nous décrire le mécanisme de fonctionnement de cette taxe ?

 

C. Bray : La taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) a comme fait générateur la mise à la consommation des produits énergétiques sur le marché intérieur. Pour résumer, la sortie du régime suspensif (dit « sous douane ») des produits stockés dans l’entrepôt fiscal de stockage déclenche l’exigibilité de la taxe auprès de l’Administration des douanes, en charge de la collecte de cette dernière. La TICPE est ainsi répercutée purement et simplement dans les prix de revente au consommateur final.

 

Actuellement, seulement environ une quarantaine d’opérateurs économiques s’acquittent de la TICPE auprès de l’Administration des douanes. Il va s’en dire que les contrôles opérés par les douaniers sont grandement facilités, de par le nombre restreint d’acteurs sur le marché et également par les règles spécifiques de gestion des Entrepôts fiscaux de stockage.

 

Depuis 2006, la TICPE est passée d’une approche nationale (un seul taux par carburant fossile mis à la consommation), à une approche régionale (possibilité pour chacune des 22 régions administratives françaises de moduler une fraction du montant de la TICPE, par type de carburant, à la hausse ou à la baisse). Cette possibilité vise à apporter une compensation financière aux régions, suite aux transferts de compétences réalisés par l’Etat.

 

Cette approche implique une gestion régionale des mises à la consommation et permet donc aux régions de se différencier les unes par rapport aux autres ayant, pour certaines, un taux de TICPE inférieur (cas de la région Poitou Charentes, par exemple).

 

Les entrepositaires agréés (EA) ou les Opérateurs enregistrés (OE) qui mettent à la consommation des produits énergétiques sur le marché français doivent normalement acquitter de manière ponctuelle la TICPE auprès de la douane. Pour autant, ces derniers ont la possibilité d’opter pour un système permettant la déclaration décadaire (tous les 10 jours calendaires), qui va permettre un report de paiement au mois suivant de la TICPE. Par exemple, les mises à la consommation du 1er mars 2015 au 10 mars 2015 inclus seront déclarées à la douane avant le 20 mars 2015 et la TICPE afférente sera payée pour le 6 du mois d’avril 2015.

 

Ce report de paiement a pour contrepartie la mise en place d’un crédit d’enlèvement des marchandises auprès de la douane, ainsi que d’une caution douanière visant à couvrir tout défaut de paiement de la part des opérateurs.

 

 

Altaprisma : Quelles sont les difficultés rencontrées dans la gestion de la TICPE par les opérateurs pétroliers ?

 

C. Bray : Comme nous l’avons évoqué précédemment, du côté de l’Administration des douanes, la gestion de la TICPE est peu onéreuse et procure un rendement important. Du point de vue des opérateurs économiques, il y a pourtant des contraintes qui sont, à mon sens, intéressantes à souligner.

 

A ce titre, nous pouvons évoquer les coûts de développement des systèmes informatiques afin de pouvoir gérer les différents taux régionaux de TICPE en fonction de la région finale de consommation du produit. Nous pouvons également parler de la chaine documentaire à respecter afin de permettre aux gestionnaires des entrepôts fiscaux de stockage de procéder à la déclaration décadaire des mises à la consommation par région, etc.

 

Toutes ces contraintes techniques et/ou opérationnelles engendrent des coûts financiers relativement importants pour les entreprises redevables de la TICPE.

 

 

Altaprisma : Après des années d’application, quel serait le bilan de la TICPE et quelle seraient les perspectives d’avenir de celle-ci ?

 

C. Bray : Force est de constater qu’actuellement la TICPE est une taxe au rendement élevé pour l’Etat, sans trop de contraintes opérationnelles et portant sur un petit nombre de redevables. Je pense donc que cette taxe n’a pas vocation à disparaitre dans les années à venir.

 

Pour autant, il me paraitrait intéressant de pouvoir réellement s’intéresser à la régionalisation de cette taxe, au regard de l’application actuellement faite de ce pouvoir discrétionnaire laissé aux régions. En effet, à l’exception de la région Poitou Charentes et de la Corse, l’ensemble des autres régions a opté pour l’application de la TICPE maximale afin de garantir des recettes importantes. Il en résulte donc une complexité importante de gestion pour les metteurs à la consommation, ainsi que pour les gestionnaires d’Entrepôts fiscaux de stockage, liée à la gestion des mises à la consommation par région, pour une finalité plutôt limitée, les taux régionaux étant quasiment tous identiques.

 

Nous constatons également que depuis le 1er Janvier 2015, une composante dite « carbone » a été rajoutée à la TICPE et cela a eu pour conséquence directe une augmentation de la taxe à raison de 2 centimes d’euro par litre. En ajoutant à cela l’augmentation propre au gazole de 2 centimes d’euro par litre réalisée récemment, nous constatons la volonté de faire perdurer cette taxe tout en tentant finalement de réduire l’écart de montant de la TICPE existant entre les essences et le gazole.

 

 

Le mot de la fin

 

C. Bray : Pour conclure, j’attire votre attention sur le fait que la TICPE n’est en soi qu’une composante de la taxation globale des produits énergétiques. Il est en effet important de bien comprendre que les produits énergétiques, et plus particulièrement les carburants fossiles, font l’objet de nombreuses taxes ou contributions depuis ces dernières années. Citons par exemple l’application des Certificats d’Economie d’Energie (CEE) depuis le 1er Janvier 2011, lors de la mise à la consommation de carburants fossiles sur le territoire national français.

 

Altaprisma : Nous vous remercions pour vos éclairages.

 

 

 

 

 

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