La Douane et la Logistique

 

Entretien avec Jacques Pons, Expert

 

Propos recueillis par Ghenadie RADU, Dr. en droit, Directeur d’Altaprisma

(formations douane, transport & logistique à l'international)

 

Paris, le 11 mai 2015

  

Altaprisma : Merci d’avoir trouvé le temps nécessaire pour nous accorder cet entretien. Pourriez-vous vous présenter brièvement, s’il vous plaît ?

 

J. Pons : Après des études à Sciences Po et à l'IAE de Lyon, j'ai passé 15 ans à la Holding des Transports GONDRAND en qualité de Secrétaire Général (1972-1987). Ensuite, j'ai été engagé par le Groupe ALCATEL comme Directeur des Opérations Logistiques (1987-1992), puis j'ai créé ma propre société d'audit et de consulting en Logistique/ Supply Chain (Sté IPM/C&F Europe), dont je suis le Directeur & Gérant.

 

Altaprisma : Concernant les opérations internationales, le volet «logistique» présente souvent un lien direct avec celui portant sur les «questions douanières». Comment s’articulent ces deux volets sur le terrain ?

 

J. Pons : Les principales opérations logistiques sont les transports, la gestion des stocks, des emplacements, des systèmes d'information, de l'emballage, de la manutention ET des techniques douanières… Les chaînes logistiques sont désormais très internationales, très étirées, très tendues et par conséquent fragiles. Les opérations douanières non maîtrisées (e.g. : documents non associés à la chaîne physique de transport comme EUR1, FORM A, Clean Report of Findings, facture consulaire, etc.) entraînent une interruption de la chaîne, un blocage en douanes, voire une destruction des marchandises pour des raisons sanitaires, par exemple.

 

Altaprisma : A un moment ou à un autre, les entreprises qui réalisent des opérations de logistique à l’international se posent la question à savoir, sous-traiter ou pas le volet « Douane » à un prestataire extérieur ? Selon vous, quels seraient les critères à prendre en compte pour qu’une entreprise puisse faire un choix judicieux en la matière ?

 

J. Pons : Si une entreprise a suffisamment d'opérations douanières à accomplir et si elle a ou peut recruter des experts en douane, il vaut mieux qu'elle obtienne des procédures de dédouanement à domicile, avec pour effet une diminution des coûts des formalités douanières, de meilleurs rapports avec l'Administration douanière, des facilités dans le traitement des opérations import/export, avec à la clé le statut d'exportateur agréé (EA) et d'opérateur économique agréé (OEA), qui sera de plus en plus nécessaire pour répondre à des appels d'offre internationaux (« order winner » selon T.HILL).

 

Altaprisma : Quels seraient les problèmes concrètes qu’une entreprise ou une autre pourrait rencontrer sur le terrain, touchant à la fois aux questions logistiques et aux questions douanières ?

 

J. Pons : Concrètement, cela dépend des règles Incoterms. Voici deux exemples :

 

Le vendeur EXW (seule règle où le vendeur n'a pas à faire de douane export et import) prend un risque en n'obtenant pas l'EXA de sortie, car il vend HT sans pouvoir apporter la preuve irréfragable de la sortie des marchandises de l'UE.

 

Le vendeur DDP, quant à lui, a l'obligation de faire la douane export et import (dans le pays de son client), ce qui entraîne des besoins en fond de roulement du fait de la différence entre le fait générateur des droits et taxes (le jour de l'importation) et l'échéance de règlement (90j date d'embarquement, par exemple).

 

Altaprisma : Comment voyez-vous l’avenir du « couple Douane / Logistique » ? Quels seraient, selon vous, les problèmes à résoudre et/ou les choses à améliorer dans ce domaine ?

 

J. Pons : Les entreprises prennent de plus en plus conscience de l'importance de la maîtrise des opérations douanières dans la chaîne logistique internationale.

 

Nous sommes en ce moment en audit dans une grosse PME du Sud de la France, qui nous a missionné pour optimiser les interfaces entre le support douanes et toutes les fonctions de l'entreprise (Achats, Production, Ventes, Finance, Qualité).

 

Ainsi, les acheteurs doivent être formés sur les concepts fondamentaux des techniques douanières car pour « sourcer » des OEM 's, il faut savoir l'importance de les trouver dans des pays ayant un accord préférentiel avec l'UE, connaître la nomenclature, les droits de douanes pour la mise en libre pratique, etc., et ne pas s'en tenir au prix EXW ou à la seule technicité du produit.

 

La Logistique et la Douane sont associées pour optimiser les flux financiers : coûts de transport, coûts de possession des stocks, régimes douaniers économiques, procédures d'achats en franchise, AI2, régime 42, règlement M+25, etc., autant d'outils d'optimisation pas toujours connus des Directeurs financiers.

 

Le mot de la fin :

 

J. Pons : Douanes et Logistique ne sont pas des matières très « glamour » pour les étudiants, (mais également pour les entreprises !), qui préfèrent les fonctions « nobles » du Marketing, de la Finance, de la Production, mais, de plus en plus, leur maîtrise apporte un avantage concurrentiel déterminant pour les entreprises les plus matures selon le modèle CMMi (Capability Maturity Model integration).

 

Altaprisma : Nous vous remercions pour vos éclairages.

 

 

 

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