Contrôle des exportations

 

Entretien avec Monsieur Arnaud IDIART, Expert

 

Propos recueillis par Monsieur Ghenadie RADU, Dr en droit, Directeur d’Altaprisma

 (formations douane, transport & logistique à l'international)

 

Paris, le 18 mars 2020

 

Altaprisma : Merci d’avoir trouvé le temps nécessaire pour nous accorder cet entretien. Pourriez-vous vous présenter brièvement, s’il vous plaît ?

 

A. Idiart : J’ai commencé ma carrière à la Direction Générale de l’Armement (DGA) du Ministère des Armées (sous-direction du contrôle des exportations), puis je me suis dirigé vers le privé pour m’occuper des mêmes problématiques au sein d’un grand groupe international. Issu de l’Ecole Supérieure d’Electronique de l’Armée de Terre, j’ai complété ma formation par un diplôme universitaire de « Mangement de l’Information ». J’ai une trentaine d’années d’expérience terrain et suis spécialisé en export control, biens à double usage, ITAR, EAR. Actuellement consultant, j’ai signé plusieurs ouvrages de référence en la matière.

 

Altaprisma : Afin de renforcer le dispositif de conformité des opérations commerciales internationales, la prise en compte des règles portant sur le contrôle des exportations s’avère d’une importance capitale. De quoi s’agit-il exactement ? Pourquoi de telles règles ? Quelles seraient les sanctions en cas de non respect ?   

 

A. Idiart :

     1° De quoi s’agit-il exactement ?

Au niveau des principes de fond, l’objectif premier est de garantir la sécurité nationale, c’est pourquoi les décisions finales d’exportation des biens stratégiques sont souveraines et toujours nationales. Elles reposent à égalité sur des considérations politiques, stratégiques et économiques mais, par ailleurs, pour garantir la sécurité des Etats à leurs frontières, la concertation internationale reste évidemment indispensable. C’est pour répondre à ce besoin que sont nés des cercles multilatéraux de concertations tels que l’Arrangement de Wassenaar (42 pays) pour les armements conventionnels et les biens double usage, ainsi que d’autres instances plus particulièrement dédiées à des produits spécifiques : MTCR (35 pays) pour les missiles, NSG (46 pays) pour les biens nucléaires, Groupe Australie (43 pays) pour les produits biologiques et chimiques…

 

Par ailleurs, on observe depuis quelques années sur le plan international que le marché de l’armement est soumis à une pression de plus en plus insistante de la part d’«organisations non gouvernementales» soutenant une montée très sensible des discours éthiques et humanitaires.

 

Dans ce contexte, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une Résolution, le 3 décembre 2009, pour l’adoption d’un « traité sur le commerce des armes » (TCA), qui est entré en vigueur le 24 décembre 2014, ayant reçu le soutien de 151 États membres avec 1 voix contre et 20 abstentions.

 

Ce traité historique réglemente le commerce international de toutes les armes conventionnelles, depuis les armes légères et de petit calibre jusqu’aux chars de combat, avions et navires de guerre, en passant par les systèmes d’armes et tous les équipements spécifiquement conçus ou modifiés pour un usage militaire.

 

Résultant d’un consensus, cet instrument n’est aujourd’hui ni universel, ni juridiquement contraignant ; il faut cependant y voir un premier pas décisif, qui doit conduire toutes les Nations à adopter, pour des transferts proportionnés d’armements conventionnels, les mêmes règles de transparence et à faire preuve d’un comportement responsable.

 

Cependant l’industrie, quant à elle, reste sur sa faim car concrètement l’ONU n’est pas encore parvenue à une mise à niveau réellement universelle et homogène du contrôle des armements ; c’est-à-dire à l’adoption, par tous les pays (en commençant par les nouveaux entrants sur le marché), de systèmes de contrôle des exportations d’armes qui soient unanimement et réciproquement reconnus comme fiables.

 

Or l’enjeu, pour la prochaine décennie au moins, est principalement commercial. En effet, les exportateurs majeurs de produits liés à la Défense sont encore aujourd’hui les exportateurs historiques et ils redoutent que pour les producteurs des pays qui arrivent sur le marché, les licences s’avèrent plus facile à obtenir que pour eux. Ceci créerait automatiquement une certaine distorsion de concurrence dans un marché déjà très fortement compétitif. Il est vrai que les pays traditionnellement producteurs de biens militaires répondent depuis longtemps aux exigences du Traité sur le Commerce des Armes (TCA ou Arms Trade Treaty - ATT), en termes de responsabilité, d’éthique et de transparence.

 

On pourrait penser par ailleurs, comme certaines ONG, que les cercles de concertation internationale sont gravement affaiblis du fait de leur « régime non juridiquement contraignant ». Aujourd’hui pourtant, sur la base de plusieurs dizaines d’années de fonctionnement, il s’avère au contraire que cette caractéristique (commune à la quasi-totalité de ces forums) apporte en pratique une garantie très efficace, car elle impose structurellement, à chaque partenaire, un respect volontaire très strict de ses engagements propres. Chacun est en effet soucieux de ne pas créer de précédent, pour ne pas risquer de devoir accepter ultérieurement, par réciprocité, des opérations qu’il n’approuverait pas spontanément.

 

     2° Pourquoi de telles règles ?

Le marché de l’armement constitue un domaine très particulier du commerce international. Il a toujours été encadré de façon stricte par les États, qui en font un véritable instrument au service de leur politique étrangère et de leur rayonnement.

 

Les États veillent traditionnellement à la fabrication, au commerce et à l’exportation des armes mais, depuis les années 1990, on voit une profonde mutation de ce marché résultant des bouleversements sociaux et politiques, d’une part, dans le monde occidental et, d’autre part géopolitiques, avec la montée en puissance de pays qui jusqu’alors limitaient leur production à leur seul marché national.

 

En effet, on observe qu’après une phase d’acquisition d’équipements « sur étagère », les États développent leur propre outil industriel. Ils garantissent ainsi leur indépendance nationale, tout en cherchant à développer leur propre secteur économique des hautes technologies. De même, lorsque les gouvernements estiment que leur niveau d’équipement a atteint un degré « satisfaisant », ils cessent, ou tout au moins ralentissent, leur course aux armements. L’outil industriel, mis en place d’abord pour les besoins domestiques doit, si on veut qu’il survive, trouver de nouveaux débouchés.

 

Alors, l’export devient indispensable pour assurer la pérennité de la filière et, in fine, garantir la souveraineté nationale.

 

     3° Quelles seraient les sanctions en cas de non-respect ?

En fait, un partenaire qui ne respecterait pas les règles communes s’autoexclurait et perdrait automatiquement la confiance des autres membres avec tous les avantages qu’elle procure, notamment pour la fluidité des échanges.

 

Effectivement, tous les grand Etats industriels partenaires de la France s’inscrivent dans un dispositif d’autocensure ce qui fait la force des cercles internationaux. En fait, en cas de manquement, les Etats se pénaliseraient de deux façons : tout d’abord au niveau de leur crédibilité et de leur image sur la scène internationale et aussi, très rapidement par voie de conséquence, économiquement car la perte de confiance réduirait les facilités consenties pour l’attribution des licences et donc la fluidité, voire la sécurité des approvisionnements.

 

Cette autodiscipline tacite se traduit in fine, de façon strictement juridique, par des Lois et des Règlements nationaux rigoureux, élaborés dans l’idée de bien montrer à tous, toute l’importance apportée par le pays au respect d’engagements pris à l’unanimité, dans le cadre des différents cercles de concertation internationale.

 

Ainsi, à la fois en ce qui concerne les personnes physiques et morales, tant pour les affaires militaires que double usage, les sanctions sont laissées à l’appréciation des autorités nationales ; souveraineté oblige !... En pratique respectivement, la Directive CE 43/2009 (Art. 16) et le Règlement CE 428/2009 (Art. 24) prescrivent « prudemment » : «…les sanctions prévues sont efficaces, proportionnées et dissuasives ». Quoi qu’il en soit, les infractions à la Réglementation sur le contrôle des exportations sont, dans tous les Etats-membres, extrêmement sévères et relèvent souvent du pénal.

 

A titre d’exemple :

CODE DE LA DÉFENSE, Article L 2339-2 :  « …Emprisonnement de 7 ans et d'une amende de 100.000 € pour quiconque, sans y être régulièrement autorisé, se livre à la fabrication ou au commerce des matériels de guerre ou d'armes ou de munitions de défense… »

CODE DE LA DEFENSE, article L 2339-11-1 : « …emprisonnement de 5 ans et amende de 75.000 € ; 1° sans préjudice de l'application du code des douanes, le fait de contrevenir aux articles L. 2335-2, L.2335-3 : obligation de licence pour les exportations … ; L. 2335-9 et L. 2335-10 : pour les transfert; 2° le fait de ne pas tenir ou de ne pas conserver durant le délai prévu le registre des exportations mentionné à l'article L. 2335-6 et le registre des transferts mentionné à l'article L. 2335-14 ; 3° le fait de ne pas présenter le registre des exportations ou le registre des transferts aux agents visés à l'article L. 2339-1 à leur première demande ; 4° le fait d'omettre, de manière répétée et significative, de renseigner une ou plusieurs des informations obligatoires des registres prévus aux articles L. 2335-6 et L. 2335-14. 

DU CODE DES DOUANES (Article 414) « …La peine d'emprisonnement est portée à une durée maximale de cinq ans et l'amende peut aller jusqu'à trois fois la valeur de l'objet de fraude lorsque les faits de contrebande, d'importation ou d'exportation portent sur des biens à double usage, … »

 

Altaprisma : Pourriez-vous nous présenter brièvement le dispositif portant sur le contrôle des biens et technologies à double usage (civil et militaire) ?

 

A. Idiart : En pratique, le contrôle des exportations se concrétise par l’octroi d’une autorisation gouvernementale la « Licence » qui « lève la prohibition » générale d’exportation des « Produits Stratégiques » : militaires ou double usage.

 

Ces procédures de contrôles, en France, sont interministérielles, progressives, collégiales et politiques.

 

·       Pour les biens à double usage, via l’application informatique en ligne « EGIDE », les exportateurs déposent leurs demandes de licence qui est alors examinée par le Service des Biens à Double Usage (MinEFi/DGE). Les cas les plus complexes (du fait de la performance des produits, de la sensibilité de l’utilisateur ou de celle de l’utilisation finale) sont soumis, pour avis, à la Commission Interministérielle pour les Biens à Double Usage (CIBDU). Cette commission regroupe 10 ministères, elle est présidée par le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères et elle se réunit mensuellement. Sur la base de cet avis, le ministre de l’Economie et des Finances accorde, ou non, l’opération et notifie sa décision, d’une part, à la Direction Générale des Douanes et, d’autre part, à l’exportateur.

 

NB : Pour les opérations « non sensibles », le chef du Service des Biens à Double Usage peut, directement par délégation du Ministre de l’Economie et des Finances, accorder la licence.

 

·  Pour les Licences militaires, la Commission Interministérielle pour l’Etude des Exportations des Matériels de Guerre (CIEEMG), présidée par le Secrétaire Général pour la Défense et la Sécurité Nationale (SGDSN), propose son avis au Premier-ministre qui signe les licences militaires accordées par la France. L’avis de la CIEEMG, résultant de l’accord unanime de trois ministères dits « à voix délibérative », considère les trois points de vue essentiels d’une l’opération avec l’étranger. Les aspects techniques et opérationnels examinés respectivement par la DGA et l’Etat Major des Armées, fondent la position du Ministère des Armées. L’impact politique pour la France à l’international est de la compétence du ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères. Enfin l’opportunité économique est soumise à l’appréciation du ministère de l’Economie et des finances.

 

Après décision du Premier ministre, prise sur avis unanime de la CIEEMG (soit au cours de sa réunion plénière mensuelle, soit au fil de l’eau via l’application informatique « SIGALE », la décision est notifiée par le SGDSN à la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects. Le Directeur Général des Douanes peut alors donner accord à ses services pour la sortie du territoire et ainsi informer l’exportateur.

 

Altaprisma : Quelles sont les particularités de la réglementation américaine en matière de contrôle des exportations (ITAR, EAR) ?

 

A. Idiart : Je pense que les deux questions sont très liées, mais pour une bonne compréhension de la situation, quatre critères doivent être soulignés.

 

1)    La Règlementation américaine pour le contrôle des exportations est probablement à l’heure actuelle l’une des (la ?) plus complexes du monde. L’Administration américaine est organisée pour effectuer le contrôle complet de toutes ses exportations. Ainsi toute production américaine, directe ou indirecte, est contrôlée à l’export grâce à deux corpus Règlementaires : les ITAR (International in Arms Regulations) et les EAR (Export Administration Regulations). S’ajoutent à ces Règlements des Décrets Présidentiels ad hoc, les « Executive Orders », qui complètent ce dispositif, notamment pour les affaires économiques et financières.

 

2)    Ainsi, le Département du Trésor (DoT) et plus particulièrement son bureau des avoirs étrangers l’OFAC (« Office of Foreign Assets Control ») administre les sanctions et tout particulièrement celles contre les pays sous embargo complet. Pour Cuba, la Corée du Nord, l’Iran, le Soudan, la Syrie, l’OFAC instruit les demandes de licences concernant tous les produits : biens militaires et purement commerciaux, mais aussi les possessions américaines dans les pays en question et les possessions de ces pays sur le territoire américain. Plus spécifiquement, les USA considèrent le dollar (pourtant devenu un instrument financier international), comme un produit purement américain. Dès lors les USA interdisent son utilisation sans l’accord formel du Gouvernement fédéral, et ce, même lorsqu’il sert exclusivement de référence pour des opérations entre pays tiers. Ainsi par exemple, le Département du Trésor américain imposerait à une banque suisse ou italienne son accord préalable pour couvrir une transaction en dollars entre la France et le Soudan. On imagine les possibilités ainsi ouvertes pour favoriser l’économie américaine sur le marché international.

 

De plus, les sanctions américaines en cas d’infraction à leur réglementation (ITAR, EAR ou Décrets Présidentiels) sont extrêmement sévères. On se souvient qu’en juillet 2014, la banque BNP a dû accepter de payer une amende de 8,5 Milliards d’Euros pour avoir utilisé le dollar, dans des marchés purement civils, entre la France et l’Iran. A défaut, la banque aurait été interdite de toute activité sur le territoire américain, mais surtout d’utiliser à l’avenir le dollar pour ses besoins propres, autrement dit à renoncer à toute activité bancaire internationale…

 

3)    Les exportations de tous les produits (matériels, logiciels, technologies ou services), y compris ceux de consommation courante, font l’objet de contrôles douaniers. Un principe international de classement des produits stratégiques, veut que, dans la quasi-totalité des pays, on contrôle comme « militaires » les biens et technologies qui sont « spécifiquement conçus ou modifiés pour l’usage militaire ». Ceux de haute performance ou de haute technologie, dont la finalité n’est pas spécifiquement militaire, mais qui peuvent procurer un avantage concurrentiel ou opérationnel à leur possesseur, sont classés « double usage ». Des licences spécifiques militaire ou double usage sont donc requises pour « lever le régime de prohibition » de ces produits et ainsi permettre de les exporter.

 

Or, en 2012, les Etats-Unis ont abandonné cette logique universelle de classement des produits militaires, pour ne pas pénaliser leurs exportateurs et aussi pour contrer, sur le marché international de l’armement, une vague de développement de produits « ITAR free » ; c’est-à-dire sans composants militaires américains.

 

Ainsi, et depuis quelques années maintenant, seuls les produits qui sont conçus ou modifiés, spécifiquement, pour l’usage militaire et qui, de plus, présentent des performances opérationnelles jugées très sensibles, relèvent des ITAR ; ils continuent de ce fait à être administrés par le Département d’Etat (DoS/DDTC). Tous les autres produits, jugés non sensibles, bien que « spécifiquement conçus ou modifiés pour l’usage militaire », sont administrés par le Département du Commerce ; ils relèvent des EAR et, à ce titre, ils bénéficient de la quasi-totalité des facilités d’exportation accordées aux produits strictement d’usage civil. Bien évidemment ils restent interdits, à destination des pays sous embargos militaire dont la liste est strictement identique dans les Règlementations ITAR et EAR ; respectivement : ITAR §126.1 et EAR §740 Supplément n°1 (country list D5).

 

4)    Enfin, les américains mettent en ligne, sur les sites internet gouvernementaux, des listes noires de personnes physiques et morales avec lesquelles il est interdit d’échanger sans licence du Gouvernement Fédéral. Pour les USA, la licence accordée à l’entreprise (en tant que personne morale), ne couvre pas les personnes physiques qu’elle emploie. Par exemple, une entreprise française (personne morale française, identifiée par son Kbis), titulaire d’une licence américaine, ne peut pas, dans ses locaux sur le territoire français, donner à ses propres employés étrangers (ou binationaux…) accès aux informations américaines pourtant légitimement reçues, si les employés en question ne sont pas d’une nationalité expressément prévue par la licence.

 

Altaprisma : Comment appréhender la notion d’extraterritorialité en matière de contrôle des exportations ?

 

A. Idiart : Tout exportateur français de produits, fabriqués en France, avec du matériel, logiciel, technologie, main d’œuvre ou savoir-faire américain, devrait se poser cette question systématiquement, sous peine de sanctions extrêmement sévères. Concrètement il doit :

 

·   D’une part, s’assurer qu’il a obtenu une licence, ou qu’il bénéficie d’une exemption américaine, pour le pays de destination, le client, les intermédiaires (personnes morales ou physiques) et l’utilisation finale de « la part américaine » de ce qu’il exporte. Puis, une fois levée cette condition « sine qua non », il doit…

 

·   D’autre part, demander et obtenir des autorités françaises la licence nationale, qui lui permettra de faire sortir sa marchandise française du territoire de la République.

 

Ainsi, la Règlementation américaine, sinon de droit mais indéniablement en fait, est extraterritoriale. Cette entorse au Droit International est bien sûr, puisqu’elle constitue une véritable atteinte à la souveraineté nationale, dénoncée par tous les Etats souverains et aussi par l’Union européenne. De plus cette réalité fait peser, à la fois dans le temps et dans l’espace, un risque permanent sur les entreprises et donc sur l’économie du pays. Hélas, les protestations diplomatiques n’ont pas beaucoup de répercussions concrètes sur la réalité économique et la concurrence internationale...

 

En effet sauf rares exceptions, les entreprises sont, au quotidien, confrontées à la réalité des marchés et à la puissance technologique des USA ; elles n’ont donc pas, en pratique, d’autre choix que d’acheter américain et, ce faisant, de se plier à toutes leurs exigences. Ainsi, c’est la loi du marché qui impose le cumul des exigences réglementaires américaines et nationales, conférant à la législation des Etats-Unis son caractère « extraterritorial ».

 

Le mot de la fin

 

A. Idiart : La qualité de la conformité au contrôle des exportations est désormais l’une des composantes de la responsabilité globale des entreprises.

 

Ce besoin de qualité touche aussi bien les exportations hors Union européenne (incluant certains alliés très proches), que les transferts intracommunautaires. En effet, La « Qualité Export » est devenue un véritable avantage concurrentiel qui conditionne comme d’autres facteurs de risque, la sélection des sociétés dans les appels d’offres nationaux comme internationaux mais aussi dans les opérations de fusion acquisition.

 

Aujourd’hui le contrôle export fait partie intégrante des préoccupations d’éthique et de conformité de l’entreprise car il peut impacter directement son image, tant interne vis-à-vis de ses employés, qu’externe : les banques, les investisseurs et parfois même (pour les plus grand groupes) les marchés financiers…

 

C’est en fait aujourd’hui une véritable conjonction Industrie/Gouvernement qui permet à l’entreprise de garantir le contrôle le plus complet et le plus responsable à tous les niveaux. En effet, la fonction contrôle export est devenue totalement transverse et ne peut être effectivement performante que si elle suit la chronologie des activités : de la R&D à l’après-vente et au soutien en service, en passant par la prospection des nouveaux marchés, les approvisionnements, la production, mais aussi toutes les fonctions de soutien, RH, juridique, sécurité ou finances.

 

En effet, dans un contexte international, une implication totale de tous les acteurs de la chaîne de la valeur est progressivement devenue indispensable pour accroître la fiabilité du contrôle export dans chaque pays et ainsi contribuer à garantir la sécurité des nations à l’échelle internationale. Il est clair qu’aujourd’hui, un contrôle régalien et exclusif, des exportations des seuls produits militaires ne suffit plus et quelques problèmes fondamentaux ne sont pas encore réglés, je vous en livre quelques-uns.

 

·  Du point de vue gouvernemental, à l’heure actuelle, on observe une montée sournoise de l’approche extraterritoriale américaine et ce, même chez nos partenaires historiques. Le Royaume-Uni, depuis quelques années déjà, mais aussi l’Allemagne plus récemment, succombent peu à peu et abandonnent la pratique diplomatique fondamentale traditionnelle de la reconnaissance mutuelle de la souveraineté nationale, pour un contrôle dans le temps et dans l’espace de leurs composants intégrés par des fabricants étrangers dans leurs produits nationaux. La question qui se pose est celle du désengagement des Etats et de responsabilisation accrue des entreprises : donnera-t-elle effectivement satisfaction aux États-Unis, partenaire hégémonique mais indispensable, tant du point de vue économique qu’industriel ?

 

Bon à savoir : Pour relancer la coopération militaire entre la France et l’Allemagne, faute de consensus pour reconduire les principes et simplement actualiser le remarquable accord « Debré-Schmidt » de 1972, un nouvel accord a été conclu le mercredi 17 octobre 2019 sur les exportations d’armements. Signé par Emmanuel Macron et Angela Merkel, cet accord n’a été possible qu’au prix de l’introduction d’un seuil dit « de minimis » (calqué sur celui des EAR américains), qui soumet à licence intracommunautaire préalable allemande l’intégration de produits allemands dans les fabrications françaises, si leur valeur est supérieure à 20%…

 

Pourtant, les accords Debré-Schmidt conclus les 7 décembre 1971 et 7 février 1972 entre la France et l’Allemagne posaient clairement à l’article 2 le principe d’une coopération profonde, s’appuyant sur un partage réel de la souveraineté des deux partenaires : « …aucun des deux gouvernements n’empêchera l’autre gouvernement d’exporter ou de laisser exporter dans des pays tiers des matériels d’armement issus de développement ou de production menés en coopération ». Et garantissant la sécurité réciproque des approvisionnements : « …chacun des deux gouvernements s’engage à délivrer sans retard et selon les procédures prévues par les lois nationales, les autorisations d’exportation nécessaires pour la fourniture de ces composants au pays exportateur ».

 

·  Les progrès des moyens de communication et le développement des technologies qui s’y attachent sont manifestement bien plus rapides que l’évolution des procédures de contrôle… Dès lors, quand parviendra-t-on à traiter de façon satisfaisante le délicat problème du contrôle des échanges par voies intangibles avec l’étranger ? De ce point de vue, il serait certainement opportun que les Européens s’inspirent de la position très pragmatique prise par les Américains il y a quelques temps : dès lors que l’exportateur prouve qu’il a fait tout ce qui est en son pouvoir pour protéger (sur un site ou en ligne) les informations qu’il transmet par voie intangible, tout accès non autorisé à ces informations relève du vol. Par conséquent, les infractions commises doivent être sanctionnées par les dispositions du droit commun qui s’y attachent et ne pas relever des textes particuliers régissant le contrôle des exportations.

 

Altaprisma : Nous vous remercions pour vos éclairages.

 

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Voici le lien pour accéder à la liste complète des publications de Monsieur Arnaud IDIART :

http://control-export.fr/publications.html#timeline1-25

 

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https://www.altaprisma.com/documents/a-idiart/

 

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