Les droits d'accises

 

Entretien avec Maître Stanislas ROQUEBERT, LightHouse LHLF - Société d’Avocats

 

Propos recueillis par Ghenadie RADU, Dr en droit, Altaprisma

 

Paris, le 24 avril 2024

 

 

Altaprisma : Merci d’avoir accepté de nous accorder cet entretien. Pourriez-vous vous présenter brièvement, s’il vous plaît ?  

 

Me Roquebert : Avocat Associé au sein du Cabinet LightHouse LHLF, j’interviens en droit douanier, TVA, fiscalité internationale et pilote la branche du cabinet spécialisée en droit douanier et en contributions indirectes, avec l’aide précieuse de Tiphaine Bernard, Nour Zourgui, Marie de Reinach et Augustin Motte, notamment, sur les sujets « Accises ».

 

 

Altaprisma : Justement, comment pourriez-vous définir les droits d’accises ?

 

Me Roquebert :  Les droits d'accises sont des taxes indirectes sur la consommation ou l'utilisation de certains produits. Ces droits s’appliquent notamment aux boissons alcoolisées, aux tabacs manufacturés, ainsi qu’aux produits énergétiques.

 

 

Altaprisma : Comment se déroule le dédouanement d’une marchandise soumise aux droits d’accises ? Quels sont les points de vigilance ?

 

Me Roquebert : Le dédouanement d’une marchandise soumise aux droits d’accises est tout d’abord sujet aux formalités douanières « classiques » (déclaration en douane, documents de transport, ...). De plus, des documents d’accompagnements particuliers doivent être générés. La détermination des documents à prévoir dépend de la nature du bien soumis à accise (alcool, tabac, …) et surtout de son régime (en droits suspendus ou en droits acquittés). Il est donc primordial de bien définir votre produit, son régime et d’identifier l’ensemble des formalités qui en résultent. Du fait de la sensibilité des produits soumis aux droits d’accises, les administrations douanières sont particulièrement vigilantes au bon respect de ces formalités.

 

 

Altaprisma : Est-il possible de se faire rembourser le montant des droits d’accises payé en France lorsque les produits sont expédiés pour consommation vers un autre pays-membre de l’UE, ou exportés vers un pays en dehors de l’UE ?

 

Me Roquebert :  Le paiement des droits d’accises est justifié par la mise à consommation d’un produit dans un territoire donné. Ainsi, si des droits ont été acquittés en France, mais que le produit a finalement été mis à la consommation dans un territoire tiers (UE ou hors UE), vous pourriez, en théorie, initier une demande de remboursement des droits d’accises acquittés en France. Cette demande, qui doit être adressée au bureau de douane du ressort territorial et respecter certaines conditions de fond et de forme, est toutefois très théorique, d’une part, car les droits d’accises sont moins élevés en France que dans d’autres États Membres notamment, mais également compte tenu du fait que ces demandes doivent être accompagnées d’éléments justificatifs significatifs (preuve du paiement dans le territoire de destination notamment).

 

 

Altaprisma : L’harmonisation en matière des droits d’accises (liste de produits, niveau de taxation, etc.) serait-elle envisageable entre les pays-membres de l’UE à moyen ou à long terme ?

 

Me Roquebert : Le droit européen prévoit déjà de nombreuses règlementations communes régissant les droits d’accises (transport, production, détention, etc.). Ainsi, on pourrait dire que les règles sont fixées au niveau européen (Directive 2020/262 notamment), tout en laissant une marge de manœuvre aux Etats membres dans la mise en application de ces règles. Par exemple, le niveau de taxation est fixé par les États Membres et peut être très différent d’un pays à l’autre.

En revanche, les risques et sanctions sont prévus au niveau national et peuvent, ici encore, être très différents d’un Etat Membre à l’autre.

 

Une harmonisation européenne (totale) en matière des droits d’accises serait une simplification, mais du fait de leurs impacts économiques importants (pour certains secteurs notamment), une harmonisation européenne de l’ensemble des règles concernant les accises apparait difficilement envisageable à moyen terme.

 

 

Altaprisma : Vous mentionnez des droits suspendus et des droits acquittés, à quoi correspondent ces notions ?

 

Me Roquebert : Effectivement ces deux notions sont déterminantes pour bien comprendre les règles d’accises. On parle de circulation en droit acquittés lorsque les droits d’accises ont été réglés préalablement à la mise en circulation des produits. A contrario, on parle de circulation en droits suspendus lorsque les produits sont mis en circulation préalablement au paiement des droits d’accises. Ce second mode de circulation est uniquement possible entre professionnels ayant un statut fiscal particulier et est soumis à de nombreuses formalités.

 

 

Altaprisma : Existe-t-il des mesures spécifiques permettant d’alléger les droits d’accises sur les alcools, notamment pour les petits producteurs ?

 

Me Roquebert : Oui, deux exemples concrets :

  • Pour le secteur brassicole : le régime des PBI (Petites Brasseries Indépendantes) qui concerne les brasseries de petite taille en France. Ce régime vise à soutenir le développement des brasseries artisanales et indépendantes en leur accordant des avantages fiscaux sous réserve du respect de certaines conditions strictes (taille, volume de production, indépendance, etc.). En pratique, c’est un statut très intéressant car il permet de bénéficier d’un taux d’accises divisé globalement par deux pour ces PBI, ce qui pourrait expliquer les nombreux contrôles sur ce point !
  • Pour le secteur vinicole : le régime des petits producteurs indépendants existe au niveau européen et concerne les exploitations de petite taille dans l’Union européenne. Toutefois, chaque Etat membre est chargé d’octroyer ou non des avantages fiscaux aux exploitants disposants de ce statut. Ainsi, le droit français n’octroi pas d’avantages fiscaux particuliers à ces exploitations. En pratique, pour un petit producteur français, revendiquer ce statut peut être intéressant pour ses ventes intracommunautaires à destination du pays ayant un taux d’accises réduit pour les petits producteurs.

 

Le mot de la fin

 

Me Roquebert : Au-delà des secteurs d’activité naturellement concernés par les réglementations d’accises (vignerons, brasseries, tabac, énergie, etc.), de nombreux secteurs d’activités sont également concernés par ces règles. A titre d’exemple, les entreprises du secteur de la cosmétique utilisant des produits alcoolisés dans leur processus de production sont particulièrement concernées et l’administration exerce de nombreux contrôles (statuts, documents, etc.). Soyez vigilants !

 

Altaprisma : Nous vous remercions pour vos éclairages.     

 

 

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